Des réseaux et des ailes : comment Boeing parvient-il à se maintenir en vol ?

Source: The Conversation – Indonesia – By Christine Marsal, Maitre de conférences HDR, Contrôle de gestion, gouvernance des banques, Université de Montpellier

Mais qu’arrive-t-il à Boeing ? Le constructeur aérien, symbole de la puissance des États-Unis, traverse des turbulences depuis plusieurs années. Depuis les crashs du 737 Max et l’accident très récent du 787 d’Air India, les causes sont multiples. Reste une interrogation sur cette succession de difficultés. La gouvernance de l’entreprise pourrait livrer une partie de la solution.


Les déconvenues financières de Boeing n’en finissent plus de se creuser : après des pertes cumulées de près de 20 milliards d’euros perdus entre 2020 et 2023, l’exercice 2024 fait ressortir une perte de près de 11,345 milliards d’euros. La « descente aux enfers » semble inéluctable et pourtant l’avionneur a récemment remporté un important contrat militaire et de nouvelles commandes en provenance d’un loueur d’avions basé à Singapour. Si les raisons des déboires financiers sont connues, comment expliquer que l’entreprise conserve la confiance des investisseurs ? Tout d’abord, le poids de fonds de pension dans le capital de l’entreprise est-il passé de 47 % en 2020 à près de 68 % en 2025. Entre 1997 et 2019, les dirigeants décident d’augmenter progressivement le dividende de 0,56 dollar par action en 1997 à 8,19 dollars en 2019. Destinée à rassurer les actionnaires, cette politique de dividendes ne peut expliquer, seule, l’apparente stabilité des investisseurs.


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Alors que de graves problèmes de qualité ont émaillé l’actualité récente de l’avionneur, rien ne semble stopper Boeing. Au fil des ans, l’entreprise a su se constituer un solide réseau d’affaires, doublé d’un réseau d’influence qui la rendent aujourd’hui « intouchable ». Pour comprendre cette résistance aux aléas technologique et financier nous analysons la composition de son conseil d’administration sur plusieurs années.




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Qui dirige ?

Dans les grandes entreprises cotées, le Conseil d’administration (CA) est censé représenter les actionnaires, qui sont les propriétaires des entreprises. Il nomme le président, valide la stratégie, surveille l’action du directeur général et peut même le révoquer. Ses membres sont élus en assemblée générale, souvent sur recommandation d’un comité de nomination, selon des critères de compétence, de diversité et d’indépendance.

Mais ce fragile équilibre peut être remis en cause quand le directeur général est aussi président du Conseil. Ce cumul des fonctions – le fameux PDG – fait de la même personne le stratège, l’exécutant… et le contrôleur de sa propre action. Ce qui pose la question du maintien de ce cumul. Le cas de Boeing illustre parfaitement les dérives de ce cumul à travers les résultats d’un article de recherche paru en 2023. Les données observées portent sur la période allant de 1997 à 2020. Il en ressort notamment que le manque de diversité au sein du conseil d’administration peut expliquer en partie les déboires rencontrés par l’entreprise.

Un Conseil d’administration dominé par son PDG

Ce cumul des fonctions – président du CA et directeur général – concentre les pouvoirs au sommet et réduit la capacité de contre-pouvoir interne. C’est d’autant plus vrai que le Conseil d’administration (CA) reste resserré, entre 11 et 13 membres seulement sur la période considérée.

La diversité progresse timidement. En 1997, seules deux femmes siègent au CA. Elles sont trois en 2020, soit à peine 23 % des membres (toujours 3 femmes en 2024). Sur l’ensemble de la période, on compte rarement plus de deux ou trois représentants des minorités ethniques (afro-américaine, hispanique, asiatique ou indienne), souvent des femmes issues de ces communautés.

Le CA s’organise autour de quatre comités classiques – audit, finance, rémunérations, nominations – auxquels se sont ajoutés en 2020 deux nouveaux comités. Le premier consacré aux « programmes spéciaux » réunit d’anciens PDG et des membres ayant une expérience militaire. Le second, centré sur la sécurité, est une réaction directe aux accidents du 737 Max.

En moyenne, les administrateurs rejoignent le Conseil à 56 ans et le quittent autour de 66 ans. Le taux de renouvellement est élevé : pas moins de 38 administrateurs différents se sont succédé au fil des années. Un renouvellement qui n’a pas toujours permis d’assurer un meilleur équilibre des profils ni une gouvernance plus indépendante.

Le Figaro 2019.

Ingénieurs en recul, financiers en force

Les profils techniques issus de l’industrie, les spécialistes des projets complexes sont évincés au fil du temps. Entre 2012 et 2014, ils disparaissent quasiment du Conseil d’administration. Leur place est désormais occupée par des experts en réduction des coûts, des directeurs financiers, d’anciens banquiers. L’arrivée de JimcNerney en 2005 marque la montée en puissance d’anciens collaborateurs du groupe General Electric.

Entre 2012 et 2016, le Conseil d’administration de Boeing se politise un peu plus. Plusieurs anciens hauts responsables rejoignent ses rangs un ex-secrétaire à la Défense, un ancien représentant des États-Unis à l’ONU, deux ambassadeurs, un ancien assistant à la Maison Blanche… Des figures influentes, républicaines comme démocrates, se succèdent au CA.


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Présence des militaires

La présence des militaires (anciens militaires ou militaires à la retraite) se renforce aussi. De 1997 à 2020 on identifie successivement un ancien « Marines », un ancien général ayant travaillé au secrétariat d’État à la défense, un général retraité des marines, un vice-amiral et un amiral à la retraite. Par ailleurs, plusieurs militaires ont exercé des fonctions au sein de l’OTAN. Cet aspect est toujours présent en 2024.

Ce virage confirme une tendance déjà amorcée : Boeing renforce ses liens avec les sphères du pouvoir, au moment même où il s’éloigne de ses racines industrielles. Le Conseil devient moins un organe de pilotage technique qu’un levier stratégique et politique.

Focus sur l’efficacité financière

Dans le même temps, Boeing taille dans ses effectifs : 231 000 salariés en 1997, 141 000 en 2020. Le ton est donné : priorité à l’efficacité financière, au détriment des compétences techniques et écologiques, reléguées au second plan.

Ce virage intervient pourtant à un moment clé pour le groupe. Le programme 787 « Dreamliner » est lancé avec son lot d’innovations : matériaux composites, nouveaux moteurs, nouveaux modes de collaboration avec les sous-traitants. Des projets de cette envergure nécessitent un pilotage éclairé. Mais paradoxalement, alors que la technologie prend de l’ampleur, le Conseil d’administration se vide de ses experts techniques.

Le même scénario se reproduit avec le 737 Max. Officiellement, l’appareil n’est qu’une mise à jour d’un modèle existant. Officieusement, les ingénieurs tirent la sonnette d’alarme : les choix techniques sont risqués, un nouvel avion serait plus sûr. Mais leurs avertissements restent lettre morte. Faute de relais au sein du CA, ils ne sont pas entendus.

France 24 2025.

Un CA trop homogène pour débattre

À force de privilégier les profils issus de la finance ou des milieux politiques, Boeing s’est privé de diversité de pensée. Moins de débats, moins de confrontations d’idées. Or, c’est souvent dans ces frictions que naissent les bonnes décisions. Dans le cas du 737 Max, le manque de dialogue a permis à des failles de sécurité de passer sous les radars.

Pire encore, une enquête du Sénat américain suggère que la proximité du groupe avec certains décideurs politiques aurait facilité une certification accélérée de l’appareil. In fine, cela pourrait paradoxalement ne pas avoir servi l’entreprise dont la réputation est ternie depuis des catastrophes aériennes ayant provoqué des morts. Dans les faits, les causalités sont sûrement plus complexes et cette proximité est un des facteurs qui peut expliquer mais il serait excessif d’en faire le seul facteur.

Pendant les déboires des programmes Dreamliner et MAX, plusieurs actionnaires tentent de tirer la sonnette d’alarme. La ville de Livonia (Michigan), ainsi que les géants de la gestion d’actifs Vanguard et BlackRock, demandent des comptes. Livonia dénonce un manque de transparence sur le programme 787. Vanguard, de son côté, interpelle la direction sur la sécurité du 737 Max et s’interroge sur l’implication réelle du Conseil d’administration.

Administrateurs accusés

Ces pressions aboutissent à une action en justice : les membres du CA sont accusés de ne pas avoir exercé leur devoir de surveillance, notamment sur les questions de sécurité. Le dossier se solde par un accord à l’amiable. Boeing accepte de verser 225 millions de dollars… non pas directement, mais via ses assureurs.

En clair : les administrateurs condamnés échappent à toute responsabilité financière personnelle. Début 2025, un autre accord a mis fin aux poursuites pénales ouvertes après les deux crashs du 737 Max en 2018 et 2019. L’entreprise évite ainsi un procès public potentiellement explosif, au prix d’un règlement négocié avec le gouvernement américain.

Ironie de l’histoire : lors du développement du Dreamliner, les dirigeants de Boeing avaient reconnu le rôle crucial des ingénieurs dans la coordination avec les sous-traitants. Mais cette prise de conscience n’a pas résisté à la logique financière qui s’est installée au sommet. Chez Boeing, ce n’est pas une crise technologique qui a précipité la chute du 737 Max, mais une crise de gouvernance. Une entreprise qui conçoit des avions sans écouter ses ingénieurs prend le risque, un jour, de ne plus savoir les faire voler.

The Conversation

Christine Marsal ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

ref. Des réseaux et des ailes : comment Boeing parvient-il à se maintenir en vol ? – https://theconversation.com/des-reseaux-et-des-ailes-comment-boeing-parvient-il-a-se-maintenir-en-vol-259749

Le Brésil, laboratoire du vin de demain

Source: The Conversation – Indonesia – By Sylvaine Castellano, Directrice de la recherche, EM Normandie

La vallée des vignobles de Bento Gonçalves dans Rio Grande do Sul au Brésil a été fortement influencée par les descendants des immigrants italiens venus dans la région. ViagenseCaminhos/Shutterstock

Le Brésil dispose de tous les atouts pour devenir un acteur clé du vin au XXIe siècle… à condition d’assumer pleinement son rôle : un laboratoire d’expérimentation, de consommation et de durabilité viticole à l’échelle mondiale. Après le football et le café, le vin, nouvel emblème du Brésil ?


Le Brésil, pays le plus peuplé d’Amérique du Sud avec 212 583 750 d’habitants et cinquième producteur de vin de l’hémisphère sud, suscite un intérêt international croissant. Longtemps perçu comme un acteur marginal sur la scène viticole, il connaît une transformation rapide, portée par des innovations techniques, une diversification de ses terroirs et une nouvelle génération de consommateurs.

Cette dynamique fait du pays un véritable laboratoire des nouvelles tendances mondiales du vin. Le marché brésilien connaît une croissance impressionnante : 11,46 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2024, avec des prévisions atteignant 19,12 milliards d’euros d’ici 2030, à un rythme de croissance annuelle moyen de 9,1 %. En valeur, le Brésil représente aujourd’hui 2,6 % du marché mondial du vin.

Comment expliquer ce marché émergent ?

Nouveaux terroirs

Le pays produit entre 1,6 et 1,7 million de tonnes de raisins par an, sur près de 81 000 hectares. Le sud du pays reste le cœur de la viticulture brésilienne, avec 90 % de la production concentrée dans l’État du Rio Grande do Sul. La région de Pinto Bandeira s’est distinguée pour ses vins mousseux de qualité, produits selon la méthode traditionnelle, à base de Chardonnay et de Pinot noir.

Le Brésil est le douzième producteur de vin au monde.
Atlasbig

De nouvelles régions émergent. Santa Catarina, avec ses vignobles d’altitude à São Joaquim, favorise une production de mousseux fins dans un climat frais. Plus audacieux encore, la vallée du São Francisco, dans le nord-est tropical, permet deux vendanges par an grâce à son climat semi-aride. Dans les zones plus chaudes comme São Paulo ou Minas Gerais, les producteurs innovent avec la technique de la poda invertida, ou taille inversée. Ils repoussent la récolte vers des périodes plus fraîches, améliorant la qualité des raisins.

Vin d’entrée de gamme et vin blanc

En 2023, le Brésil a importé 145 millions de litres de vin, soit une baisse de 5,91 % en volume – en gommant l’inflation –, mais une hausse de 5 % en valeur – sans effet d’un changement de prix.

Les vins d’entrée de gamme – inférieurs à 20 euros – dominent avec 65 % du volume. Les vins premium – supérieurs à 80 euros – ont progressé de 31 % en volume et 34 % en valeur. Le Chili reste le principal fournisseur, devant le Portugal et l’Argentine. La France, cinquième fournisseur avec 7 % de parts de marché. L’Hexagone consolide sa position grâce à ses effervescents et ses Indications géographiques protégées (IGP).

Longtemps dominé par le rouge et les mousseux, le marché brésilien voit le vin blanc progresser fortement : 11 % d’importations en plus en 2023, représentant désormais 22 % du marché. Cette tendance s’explique par le climat, mais aussi par une recherche de fraîcheur, de légèreté, et de moindres teneurs en alcool. Les vins blancs aromatiques et floraux séduisent particulièrement les jeunes et les femmes, bouleversant les codes traditionnels.

Millennials et Gen Z

Le renouveau du marché brésilien repose en grande partie sur les jeunes générations. Selon une étude, 37 % des millennials et Gen Z déclarent préférer le vin, juste derrière la bière (44 %), et devant les spiritueux. La consommation de vin devient plus quotidienne, intégrée à des moments conviviaux. Les Brésiliennes représentent 53 % des consommateurs en 2024, contre 47 % en 2019. La part des consommatrices âgées de 55 à 64 ans est même passée de 14 % à 19 %. Ce public, en pleine mutation, recherche des vins plus accessibles, des expériences partagées, et des marques engagées.


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Vers une viticulture plus durable

La durabilité devient un atout compétitif majeur. À Encruzilhada do Sul, le domaine Chandon (LVMH) a lancé un mousseux premium, à partir de pratiques durables certifiées PIUP, bien que non bio. Selon son œnologue Philippe Mével, ces démarches améliorent la santé des sols et la productivité, tout en réduisant les intrants.

Vue de la Salton Valley
Le domaine de Salton fait partie des grands domaines reconnus, dans l’état du Rio grande do sul située le long des frontières uruguayenne et argentine.
ViagenseCaminhos/Shutterstock

La vinícola Salton, quant à elle, compense ses émissions de 951 tonnes de CO₂ en 2020 par la conservation de 420 hectares de pampa native, et des actions de reforestation. Elle vise la neutralité carbone d’ici 2030 via des énergies renouvelables et des matériaux recyclés.

Adapter la communication

Malgré ces avancées, le vin brésilien souffre d’une image encore trop classique. Pour séduire les jeunes, la filière doit adopter des codes plus spontanés, centrés sur les expériences, les moments de vie et les émotions. Instagram, TikTok, micro-influenceurs, étiquettes au design moderne : les leviers sont nombreux.

Le visuel est désormais un facteur déterminant d’achat. Les jeunes générations attendent aussi que le vin s’intègre à leur quotidien via des événements festifs, des pique-niques, des festivals ou des bars éphémères.

La consommation moyenne de vin par habitant reste faible (2,7 litres/an), mais le potentiel est considérable. Avec une offre en pleine diversification, des terroirs multiples, une jeunesse curieuse et exigeante, et une montée en gamme affirmée, le Brésil change de visage viticole.

Des événements comme ProWine São Paulo, devenu la plus grande foire du vin et des spiritueux des Amériques, témoignent de cet engouement croissant. Le Brésil dispose de tous les atouts pour devenir un acteur clé du vin au XXIe siècle… à condition d’assumer pleinement ce qu’il est en train de devenir : un laboratoire d’expérimentation, de consommation et de durabilité viticole à l’échelle mondiale.

The Conversation

Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.

ref. Le Brésil, laboratoire du vin de demain – https://theconversation.com/le-bresil-laboratoire-du-vin-de-demain-258416

La posture queer dans l’art : un rempart contre l’essentialisation

Source: The Conversation – Indonesia – By Nicola Lo Calzo, Chercheur en art et représentations queer et décoloniales, École nationale supérieure d’arts de Paris-Cergy (ENSAPC)

Un processus inédit est en cours au sein du monde de l’art, la question de la visibilité des artistes « subalternes » et des récits dominés devient un enjeu central. Dans ce contexte, la posture queer peut s’imposer comme un moyen de ne pas retomber dans des travers identitaires.


Les bouleversements sociaux de la dernière décennie, illustrés par les mouvements #MeToo et Black Lives Matter, ont entraîné une prise de conscience dans certains milieux culturels et artistiques. Nous assistons à une reconnaissance inédite des artistes queers, racisés, femmes, en situation de handicap, issus des pays du Sud global. Au sein des circuits artistiques officiels se diffusent les problématiques que soulèvent leurs œuvres (luttes antiracistes, queers, féministes ou écologiques, question des récits et des archives minorées, enjeu des réparations postcoloniales et de la restitution des œuvres d’art, etc.). La notion d’« inclusivité », fondée sur la reconnaissance de la différence comme valeur sociale, s’impose aujourd’hui comme un projet ambitieux dans le monde de l’art.

Il suffit de regarder la programmation des six derniers mois dans les institutions muséales parisiennes pour mesurer le phénomène : l’exposition « Paris noir » au Centre Pompidou, « Corps et Âmes » à la Bourse de Commerce, « Banlieues chéries » au Musée de l’histoire de immigration, « Tituba, qui pour nous protéger » au Palais de Tokyo.

Ce processus est né, tel un « discours en retour » après des siècles d’eurocentrisme et de regard exotisant véhiculé par un certain discours sur l’altérité. Comme l’affirme la journaliste et écrivaine d’origine iranienne Farah Nayeri :

« Aujourd’hui, les musées, les galeries, les conservateurs et les mécènes veulent tous être considérés comme des agents de cette inclusion. »

La visibilisation des récits subalternes constitue un enjeu central pour un monde de l’art et une société plus égalitaires. Et même s’ils semblent aller à rebours de la montée des mouvements réactionnaires, les mécanismes de ce processus méritent d’être interrogés et questionnés.

À cet égard, une posture queer, telle que proposée dans cet article, permet à la fois d’interroger le processus d’inclusivité dans le milieu de l’art et ses contradictions, tout en offrant une perspective critique pour penser le monde au-delà de toute mythologie essentialiste (à savoir un régime de pensée et de représentation qui suppose des identités fixes et immuables).

Au-delà du « Mythe-du-Subalterne »

Derrière une demande légitime et nécessaire de décolonisation des arts et des musées – portée notamment par la société civile et des groupes militants–, la question qui se pose est de savoir sur quels critères repose aujourd’hui l’éligibilité des artistes à l’espace muséal et à ses collections.

« Comment “décoloniser” le musée ? : l’institution culturelle occidentale en question•», France 24.

L’« identité » – autrement dit, ce que l’artiste représente symboliquement, culturellement et visiblement aux yeux de ses publics, au travers de ses œuvres – deviendrait-elle le principal critère de sélection ? Le positionnement critique de l’artiste, sa vision du monde, indépendamment de ce qu’il incarne ou représente, serait-il négligé ? Le risque est de le reléguer au second plan, en reconduisant, de fait, les mêmes catégories identitaires que l’on prétend pourtant déconstruire (homme/femme, blanc/noir, hétero/queer, valide/invalide, etc.).

Récemment l’artiste photographe Henry Roy s’est exprimé sans détour sur son compte Instagram en dénonçant ce type d’assignation :

« J’ai récemment entendu l’une des remarques les plus déconcertantes qu’il m’ait été donné d’entendre : un photographe afro-descendant ne devrait photographier que ses “semblables”. C’est apparemment un critère qui le distinguerait d’un artiste non racialisé. Que signifie cette singulière assignation ? Le champ de l’image impose-t-il une discrimination aux Afro-descendants, les confinant dans une sorte de ghetto de l’imaginaire ? »

Dans cette configuration, les classes d’oppression ne sont plus mobilisées, comme le font les penseurs intersectionnels, pour déconstruire les rapports de pouvoir en exposant leur enchevêtrement. Elles sont, au contraire, utilisées pour enfermer chacun et chacune (de nous) dans des identités figées, créant ainsi un nouveau mythe que j’appelle le « Mythe-du-Subalterne » : une fiction qui permettrait en outre au musée de préserver sa structure inégalitaire, tout en se drapant dans un vernis décolonial.

Sur cette base, on détermine non seulement l’accès – ou non – de l’artiste à l’institution muséale et à l’écosystème qui l’entoure, mais aussi sa légitimité à travailler tel ou tel sujet. En tant que personne queer, italienne et blanche, par exemple, il m’arrive d’entendre un certain discours selon lequel, parce que « je suis X », je ne pourrais produire un discours critique que sur ce X. Mais qui décide de ce que recouvre ce X, et qui en fixe les limites ?


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La posture queer contre les visions figées

Face à la polarisation du discours – entre, d’un côté, une rhétorique réactionnaire et stigmatisante à l’égard des minorités et, de l’autre, une approche essentialisante, la posture queer apparaît comme une alternative aux visions figées de l’Autre et du [Soi](https://fr.wikipedia.org/wiki/Soi_(psychologie). Elle constitue un point de départ pour une perspective critique résolument opposée à toute forme de binarisme (homme/femme, noir/blanc, gay/hétéro, ouvrier/bourgeois, valide/invalide).

À l’origine, le terme anglais queer signifie « étrange », « louche », « de travers ». Insulte issue du langage populaire, équivalente au mot « pédé » en français – avec l’idée sous-jacente de déviance ou d’anormalité –, il s’oppose à « straight » (« droit »), terme désignant les personnes hétérosexuelles. Dans le contexte de stigmatisation accrue des personnes LGBTQIA+ au moment de la crise du sida dans les années 1980, queer est progressivement resignifié puis réapproprié, à travers une circulation des savoirs et des pratiques entre militants et intellectuels.




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De fait, l’expérience de personnes queers entre en contradiction avec l’ordre et l’espace familiaux qui, historiquement, ont été construits comme prolongement de l’ordre social. Leur manière d’habiter l’espace introduit une faille par rapport à la ligne parentale (et reproductive) dont iels héritent et qu’iels ont la charge de reconduire. En renonçant à celle-ci, les subjectivités queers défient l’institution de la famille et, avec elle, l’ordre social.

Mais, comme le souligne le sociologue et philosophe français Didier Eribon, cette condition n’est pas seulement une identité stigmatisée, un habitus dont on cherche à se défaire pour lui opposer une identité en accord avec soi-même. Elle est constitutive d’une « vision ». Elle représente un point de vue spécifique sur le monde, une perspective que, dans les mots de la penseuse afroféministe bell hooks, l’on peut qualifier de regard oppositionnel (« oppositional gaze ») – un regard que les subalternes développent en réponse au regard stigmatisant qui, de manière récurrente, est porté sur eux.

Se soustraire aux logiques identitaires

Pour une personne queer, le regard stigmatisant de l’Autre ne provient pas uniquement de l’extérieur de sa communauté d’origine. Il émane aussi souvent de l’intérieur, par exemple, de la famille. C’est précisément dans ce double rejet, à la fois interne et externe, que réside le potentiel dénormatif de l’expérience queer : une vision du Soi et de l’Autre qui procède d’une désidentification avec la norme, susceptible de produire une vision « transidentitaire » ou « identitaire-sceptique ».

De cette expérience queer – marquée par un double rejet, à la fois interne et externe – peut émerger une posture queer.

Il ne s’agit plus uniquement d’un vécu intime ou d’un rapport personnel et situé à la norme, mais d’une position critique face aux systèmes de pouvoir, aux catégories figées et aux régimes de visibilité.

C’est la raison pour laquelle la posture queer ne cherche aucun drapeau identitaire particulier ni aucune identité dans laquelle se retrancher. La posture queer est une destinée. Elle incarne une utopie qui prend la forme d’un travail continuel et inachevé de déconstruction des représentations dominantes et de reconstruction de représentations minorées.

Une éthique de l’émancipation

Une posture queer se veut une renégociation permanente du Soi dans sa relation à l’Autre. À cet égard, la pensée de l’errance élaborée par le philosophe français Édouard Glissant est clé. Elle éclaire l’aspiration de la posture queer à se faire lien et relation par-delà l’absolutisme de l’identité racine unique – qui repose, elle, sur l’idée d’un enracinement profond dans un territoire, une langue, une culture, une essence considérés comme immuables.

Face à l’alternative entre une vision du monde déterministe (selon laquelle nous ne pouvons pas transformer les rapports historiques de pouvoir dans lesquels nous sommes pris) et une vision positiviste néolibérale (qui promeut l’idée d’un individualisme tout-puissant), la posture queer s’affirme comme une troisième voie à partir de laquelle habiter, observer, et représenter le réel.

Elle constitue un « programme sans mythe », dont la visée ultime est une éthique-esthétique de l’émancipation des corps subalternes. Consciente des structures profondément inégalitaires qui régissent les rapports sociaux, cette posture implique un processus créatif, toujours inachevé, qui demande à être sans cesse réitéré, rejoué, requestionné.


Cet article est publié dans le cadre de la série « Regards croisés : culture, recherche et société », publiée avec le soutien de la Délégation générale à la transmission, aux territoires et à la démocratie culturelle du ministère de la culture.

The Conversation

Nicola Lo Calzo ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

ref. La posture queer dans l’art : un rempart contre l’essentialisation – https://theconversation.com/la-posture-queer-dans-lart-un-rempart-contre-lessentialisation-255684

Stonewall, Compton… Quand des femmes trans et racisées ont lancé la lutte LGBTQIA+

Source: The Conversation – Indonesia – By Deion Scott Hawkins, Assistant Professor of Argumentation & Advocacy, Emerson College

Les femmes trans noires et latinas ont été à l’avant-garde de la lutte LGBTQIA+ aux États-Unis. Photo prise lors d’une marche des fiertés à New York, dans les années 1980. Mariett Pathy Allen/Getty Images

Encore trop souvent effacées des récits, les femmes trans, queers et racisées ont joué un rôle crucial dans la lutte pour les droits LGBTQIA+. Ce sont même elles qui ont lancé la fameuse révolte de Stonewall dans les années 1960 de même qu’une autre rébellion, quelques années auparavant, à San Francisco. Retour sur ces actes de résistance et sur le rôle de celles qui, parmi les premières, se sont levées pour les droits des personnes queer.


On ne sait pas exactement qui a lancé la première brique au Stonewall Inn, cette nuit de 1969 à New York qui a marqué un tournant dans la lutte pour les droits LGBTQIA+. Selon la mythologie queer, ce pourrait être Marsha P. Johnson, femme trans noire emblématique de la libération gay, ou Sylvia Rivera, femme trans latina. Mais leurs témoignages contredisent cette version. Marsha P. Johnson a reconnu être arrivée après le début de l’émeute, tandis que Sylvia Rivera a déclaré dans un entretien :

« Beaucoup d’historiens m’attribuent le premier cocktail Molotov, mais j’aime rétablir la vérité : j’ai lancé le second, pas le premier ! »

La scène la plus probable n’implique ni brique ni cocktail Molotov, mais l’appel à l’aide de Stormé DeLarverie, lesbienne métisse. Alors qu’on l’embarquait dans une voiture de police, elle aurait crié à ses camarades queer :

« Vous n’allez rien faire ? »

À l’époque, le bar Stonewall Inn appartenait à la mafia et comme il s’agissait d’un période avec des lois très restrictives sur l’alcool, ce lieu nocturne populaire pour la communauté LGBTQIA+ était une cible facile pour les descentes de police.

Vers 2 heures du matin, la police de New York est intervenue pour faire évacuer le bar à l’heure de sa fermeture. Au départ, la majorité des clients ont coopéré, mais face à l’escalade des violences policières et des arrestations, les clients – en grande majorité queer – ont riposté. Si les circonstances exactes du début de l’émeute restent floues, il est établi que Marsha P. Johnson et Sylvia Rivera étaient présentes. Elles deviendront par la suite des figures majeures du mouvement pour les droits des personnes LGBTQIA+ et de la résistance queer.

Leur mobilisation – tout comme un acte de rébellion antérieur peu connu – montre à quel point les femmes queer racisées ont été en première ligne de la lutte pour les droits LGBTQIA+ et néanmoins invisibilisées. Malgré certains progrès sociaux, les femmes trans racisées continuent d’en payer le prix, parfois de leur vie.


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Perceptions erronées des émeutes de Stonewall

Le récit des évènements de Stonewall a été largement connu du grand public avec la sortie du film Stonewall en 2015. Ce film a été vivement critiqué pour la façon dont il a blanchi l’histoire et effacé le rôle des personnes queer racisées dans celle-ci.

Marsha P. Johnson lors de la marche des fiertés de 1982, vêtue d’une combinaison noire à sequins
Marsha P. Johnson lors de la marche des fiertés de 1982, vêtue d’une combinaison noire à sequins.
Barbara Alper/Getty Images

Dans cette fiction, c’est un homme blanc gay qui jette la première brique – une version démentie par presque tous les témoignages. Ce sont au contraire des personnes queer racisées, souvent non conformes au genre, qui ont mené la révolte. Et qui sont trop souvent effacées de la mémoire collective.

Avant Stonewall, une autre révolte oubliée

Stonewall n’a pas été pas le premier acte de résistance publique pour les droits LGBTQIA+. Le soulèvement de la cafétéria Compton a eu lieu trois ans plus tôt, à San Francisco, dans le quartier du Tenderloin.

Dans les années 1960, cette cafétéria était un lieu de rencontre nocturne populaire pour les personnes transgenres, en particulier les femmes trans. La direction du lieu et la police soumettaient ces communautés marginalisées à un harcèlement et à des mauvais traitements constants. Les femmes trans étaient souvent arrêtées en vertu de lois sur l’usurpation d’identité féminine et devaient faire face à des humiliations publiques et à des violences physiques récurrentes.

En août 1966, un incident survenu à la cafétéria de Compton a déclenché une vague de résistance. Le documentaire Screaming Queens montre les injustices subies par la communauté trans à l’époque, principalement des femmes trans racisées et travailleuses du sexe.

Après des années de mauvais traitements, un groupe de femmes trans, de drag queens et de personnes non conformes au genre ont décidé qu’ils et elles en avaient assez. Lorsqu’un policier a tenté d’arrêter une femme trans, elle lui a jeté sa tasse de café chaud au visage. Cet acte de résistance a déclenché un soulèvement spontané dans la cafétéria et dans les rues. Quelques instants plus tard, une voiture de police était renversée. À la fin de la manifestation, la police avait arrêté des dizaines de personnes et en avait battu beaucoup d’autres.

Malgré son importance historique, cette révolte à la cafétéria de Compton est restée dans l’ombre. Elle a pourtant semé les graines d’un mouvement plus large de résistance.

La haine sévit toujours

Malgré les avancées, les femmes trans racisées restent particulièrement vulnérables. Elles connaissent notamment des taux de chômage plus élevés, une stigmatisation médicale accrue, une confiance brisée avec les forces de l’ordre et un risque de VIH disproportionné.

Le documentaire primé Kokomo City, éclairant sur la transphobie.

En outre, les meurtres de personnes trans ont presque doublé entre 2017 (29 décès) et 2021 (56), selon l’association Everytown for Gun Safety. La Human Rights Commission montre que les femmes trans noires et latinas restent les plus exposées.

Certains agresseurs échappent encore à la prison en invoquant une « défense de panique » : ils imputent leur réaction violente à la peur suscitée par l’identité de genre ou l’orientation sexuelle de la victime.

Ces dernières années, les meurtres de plusieurs femmes trans noires, dont Cashay Henderson, ou KoKo Da Doll, protagoniste du documentaire primé Kokomo City), rappellent l’ampleur persistante des violences queerphobes.

The Conversation

Deion Scott Hawkins ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

ref. Stonewall, Compton… Quand des femmes trans et racisées ont lancé la lutte LGBTQIA+ – https://theconversation.com/stonewall-compton-quand-des-femmes-trans-et-racisees-ont-lance-la-lutte-lgbtqia-259808

Communautés LGBTQIA+ : Les lettres de Byron, sources précieuses pour l’histoire

Source: The Conversation – Indonesia – By Sam Hirst, AHRC Funded Post-Doctoral Research Fellow in History, University of Nottingham

Le génial poète britannique Lord Byron, hors norme et sulfureux, a vécu une « amitié romantique » avec un jeune choriste disparu prématurément, qu’il a racontée dans ses écrits. Dans une Angleterre où l’homosexualité est un crime passible de mort, ces fragments de lettres et de poèmes offrent un rare témoignage d’une passion homosexuelle au tournant du XIXe siècle.


Nous sommes le 5 juillet 1807. Un jeune homme ivre et en larmes est assis dans sa chambre d’étudiant à Cambridge, écrivant dans un « chaos d’espoir et de chagrin » à son amie d’enfance, Elizabeth Pigot. Il vient de se séparer de celui qu’il surnomme sa « cornaline », qu’il aime « plus que n’importe qui au monde » – et il déverse ses sentiments sur le papier.

Le jeune homme, c’est Lord Byron, et sa cornaline, c’est le choriste de Cambridge John Edleston. Il apparaît sous ce surnom dans les écrits en prose de Byron en raison d’une bague qu’il avait offerte à Byron. Le cadeau et le donateur ont été immortalisés dans le premier recueil de poèmes de Byron, Heures de paresse (1807), et Byron a porté l’anneau en cornaline jusqu’à la fin de ses jours.

Faire des recherches sur l’histoire des LGBTQ+ revient souvent à essayer de découvrir et de reconstruire des éléments qui ont été effacés, cachés, obscurcis ou travestis.

La lettre que Byron a écrite cette nuit-là est une archive rare, conservée, avec une autre écrite à la mère d’Elizabeth Pigot après la mort de John Edleston, dans les archives de l’abbaye de Newstead. Ce sont des fragments qui évoquent l’histoire plus vaste de la romance adolescente, du deuil et de la vie homosexuelle au début du XIXe siècle.

Pour retracer l’histoire queer (ou LGBTQ+), les chercheurs comme moi doivent travailler avec des absences, des effacements délibérés – des vies et des relations qui ont été cachées, niées ou déguisées. Les chercheurs sur Byron sont généralement confrontés à une surabondance de matériel, mais son homosexualité reste une question de fragments. La recherche sur sa sexualité nécessite un lent processus d’apprentissage pour reconnaître et relier les codes et les fils de sa prose et de ses vers.

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Dans le cas de Byron, des gardiens trop zélés de sa réputation posthume – dont sa sœur, son éditeur et ses amis – n’ont pas résisté à la tentation de brûler ses mémoires. Il ne reste que peu d’indices à partir desquels imaginer ce qu’ils auraient pu contenir.

Un autre problème, c’est que, bien souvent, lorsque l’homosexualité de Byron est évoquée par ses contemporains, c’est sous forme d’accusations, par exemple, lorsqu’on rapporte une conversation entre Lady Caroline Lamb (une ancienne maîtresse) et Anna-Bella Millbanke (l’épouse de Byron, dont il était séparé).

D’autres lettres et sources ont été perdues et la correspondance de Byron sur le désir homosexuel est souvent codée. Il écrit à ses amis de Cambridge avec des références sténographiques partagées, généralement basées sur des allusions classiques qui sont difficiles à décrypter pour les non-initiés.

Annabella Milbanke and Lady Caroline Lamb
De nombreuses affirmations sur l’homosexualité de Byron proviennent d’une conversation entre sa femme Annabella Milbanke (à gauche) et son ancienne amante Lady Caroline Lamb (à droite).
National Portrait Gallery

Alors, comment aborder l’histoire queer de Byron dans toute sa réalité désordonnée lorsque les archives sont un patchwork de fragments, d’absences, d’effacements et d’obscurcissements ? En partie, en acceptant cette fragmentation, en renonçant à l’envie d’une histoire unique qui recouvrerait toute la vie de Byron, et en rencontrant Byron dans le moment qu’une source nous offre.

C’est aussi une question de connexion, de traçage d’éléments à travers la poésie et la correspondance, les mémoires et les accusations, de fils à tirer pour former une image plus complète. Les lettres de Newstead, lues en conjonction avec ses poèmes, ses lettres et ses journaux, sont une source évocatrice.




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Les lettres de Newstead

La lettre de 1807 nous apprend que Byron a rencontré Edleston deux ans auparavant, alors qu’il avait 17 ans et Edleston 15 : « Sa voix attira d’abord mon attention, son beau visage me la retint et le charme de ses manières me l’attacha pour toujours. »

Selon Byron : « Pendant toute la durée de ma résidence à Cambridge, nous nous sommes vus tous les jours, été comme hiver, sans nous ennuyer un seul instant. » Il exagère, créant sa propre histoire romancée. En réalité, Byron était rarement présent à Cambridge, n’y passant que quelques mois par an et préférant généralement passer son temps à Londres.

À un ami, il écrit au retour d’une escapade que le caractère d’Edleston s’était « beaucoup amélioré », donnant à penser que la vénération n’était pas constante. Que la réalité corresponde exactement à la lettre est moins important que le fait que c’est l’histoire que Byron a voulu raconter.

Painting of the Abbey
Newstead Abbey était la maison de famille de Lord Byron.
Wiki Commons

L’histoire que Byron choisit de raconter est celle d’un attachement romantique durable à un jeune homme. À une époque où il entretenait de nombreuses relations de différents types avec des hommes et des femmes, Byron affirme dans sa lettre : « Je l’aime certainement plus que n’importe quel être humain, et ni le temps ni la distance n’ont eu le moindre effet sur ma disposition (en général) changeante ». C’est bien la déclaration passionnée d’un adolescent qui se sépare d’un amour de jeunesse.

Les espoirs d’un avenir radieux que nourrit Byron, ainsi que ses projets de constance et sa naïveté face aux obstacles sont autant de rappels à son jeune âge. Lorsqu’il atteint sa majorité à 21 ans et qu’il prend enfin le contrôle de sa fortune et de sa vie, il promet ceci : « Je laisserai à Edleston la décision d’entrer comme associé dans la maison de commerce où il va travailler, ou de venir vivre avec moi ».

Vers la fin de sa lettre, juste avant de revenir à des considérations pratiques et à un ton plus jovial, il exprime un espoir plus réaliste mais tout aussi futile : « J’espère que vous nous verrez un jour ensemble ».

Edleston meurt prématurément à l’âge de 21 ans, avant que Byron ne revienne de son voyage à travers l’Europe, que les jeunes aristocrates d’alors avaient coutume de faire.

Les modèles homosexuels de Byron

Lord Byron avait fait de John Edleston son protégé. Ce sera un fil conducteur dans nombre de ses relations. Il parle de ses aventures homosexuelles en Grèce dans une lettre joyeuse adressée à son ancien tuteur Henry Drury et promettait un traité sur « la sodomie ou la pédérastie, dont les auteurs anciens et la pratique actuelle ont prouvé qu’elles étaient dignes d’éloges ».

Ce modèle grec ancien de relation sexuelle avec un homme ou un adolescent plus jeune et de statut inférieur, qui incluait des aspects de patronage, était l’un des principaux modèles auxquels Byron avait accès pour décrire et comprendre ses propres désirs et relations.

Byron établit également des comparaisons avec des figures qui lui sont contemporaines et d’autres plus anciennes, qui nous montrent les raccourcis par lesquels étaient à l’époque dépeintes les relations homosexuelles :

« Nous ferons rougir Lady E. Butler et Miss Ponsonby, les dames de Llangollen, nous mettrons Pylades et Oreste hors d’état de nuire, et nous ne voulons rien de moins qu’une catastrophe comme Nisus et Euryalus pour donner à Jonathan et David la chance de s’en sortir. »

À l’exception des dames de Llangollen Eleanor Butler et Susan Ponsonby, qui se sont enfuies d’Irlande en 1780 et ont vécu ensemble jusqu’à leur mort, ses exemples sont tous imprégnés de tragédie et de mort. Nisus et Euryalus sont deux inséparables soldats dans l’Énéide de Virgile qui sont morts ensemble. Ils font l’objet de deux poèmes dans le premier recueil de Byron, Heures de paresse (1807) mentionné plus haut. Ses références répétées à leur histoire suggèrent une cartographie interne (quoique peut-être inconsciente) de la masculinité homosexuelle qui offre peu d’espoir d’un avenir commun et qui est voué à la perte tragique de l’être aimé et à la mort.

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Euryale et Nisus, par Jean-Baptiste Roman (1827).
Louvre Museum, CC BY-SA

Dans cette même lettre à son ancien tuteur, Byron affirme qu’Edleston « est certainement plus attaché à moi que je ne le suis à lui ». Il révèle un désir d’être aimé plus que d’aimer. Cette insécurité est peut-être liée à son pied droit, frappé d’un difformité à la naissance, léger handicap dont il souffrira toute sa vie.

Byron a également eu maille à partir avec son poids et des troubles alimentaires tout au long de sa vie. Pendant son séjour à Cambridge, son corps s’est beaucoup transformé, en raison de régimes associés à des exercices physiques extrêmes. Mais lorsqu’il y retourne en juin 1807 après un séjour ailleurs, Edleston commence par ne pas le reconnaître.

Ce déséquilibre peut également refléter le sentiment d’indignité de Byron. Dans une grande partie de sa poésie, il s’identifie à une sensualité grossière et Edleston à la pureté, se considérant comme une influence potentiellement corruptrice. Dans To Thryza (1811), Byron dépeint un amour « raffiné » qui risque d’être « avili » :

les baisers si innocents, si purs,
que l’amour se défendait tout désir plus ardent.
Tes beaux yeux révélaient une âme si chaste,
que la passion elle-même eût rougi de réclamer davantage.

Amitiés romantiques

La relation entre Byron et Edleston échappe à toute catégorisation facile. Byron en parlera plus tard comme d’un « amour et d’une passion violents, bien que purs ». Il a également appelé Edleston son « plus qu’ami », tout en niant toute relation sexuelle. Ces déclarations sont à replacer dans le contexte homophobe de l’Angleterre d’alors où les sanctions prévues contre les « sodomites » (ou personnes suspectées comme telles) étaient particulièrement sévères (pendaison en public).

John Murray, l’éditeur de longue date de Byron a publié en 1834 une anthologie de son œuvre, accompagnée de commentaires de divers contemporains du poète, qui qualifie la relation d’« amitié romantique » – une catégorie qui remplit un espace ambigu au-delà de l’hétérosexualité. Lisa Moore, professeure de littérature américaine et anglaise, suggère que le terme « soulève des inquiétudes en tentant de les contenir » – il évoque des notions d’homosexualité tout en semblant les nier.

De même, elle suggère d’autres formes de relations « queer » au-delà des définitions binaires basées uniquement sur l’activité sexuelle. L’approbation sociale était accordée seulement à certaines conditions pour les amitiés romantiques. Il fallait notamment pouvoir nier de manière plausible l’existence d’un contact sexuel réel.

La relative acceptation de ce type de relations a sans doute permis à Lord Byron d’ouvrir son cœur à Elizabeth Pigot. L’« amitié romantique » permet de reconnaître et de valoriser des relations intenses, passionnées ou romantiques entre personnes du même sexe.

Une histoire d’amour tragique

Après la mort d’Edleston, Byron écrit à la mère de Pigot pour lui demander de lui rendre sa cornaline qui « avait acquis par cet événement la [mort d’Edleston] une valeur que j’aurais souhaité qu’elle n’eût jamais à mes yeux ».

Elizabeth avait ajouté un addendum, demandant à sa mère de rendre la bague, car « il ne me l’a jamais donnée, il l’a seulement placée entre mes mains pour que j’en prenne soin à sa place – et de cette façon, je ne ferai que lui rendre ce qui lui appartient. » Un acte de bienveillance et de reconnaissance.

Illustration de Byron et de son chien
Les illustrations de Byron et de son chien par Elizabeth Pigot montrent leur étroite amitié.
Wiki Commons

L’histoire entre Byron et Edelston s’est terminée tragiquement, ce qui contraste avec les espoirs d’avenir radieux exprimés par le poète en 1807, mais réalise la prophétie de ses modèles.

Byron quitte l’Angleterre en 1809 et voyage jusqu’en 1811. La raison exacte de son départ, manifestement précipité, n’est pas claire, bien que certains critiques, comme Leslie Marchand et Fiona McCarthy, aient suggéré qu’il soit lié à sa relation avec Edelston ou à une indiscrétion d’un amant en manque d’affection.

On ne sait pas au juste pourquoi Byron s’est éloigné de son ami ni comment leur relation a évolué. Mais lorsque Byron est rentré en Angleterre, Edleston était mort : une cruelle réalité qu’il n’a découverte que cinq mois plus tard, de la bouche de la sœur d’Edleston.

À son ami Francis Hodgson, en 1811, Byron écrit :

J’ai appris l’autre jour un décès qui m’a choqué plus que tous les précédents [sa mère et deux autres amis étaient morts récemment], celui d’une personne que j’aimais plus que je n’ai jamais aimé un être vivant, et qui, je crois, m’a aimé jusqu’à la fin, et pourtant je n’ai pas versé une larme pour un événement qui, il y a cinq ans, m’aurait fait tomber dans la poussière ; cela pèse encore sur mon cœur et me rappelle ce que je souhaite oublier, dans de nombreux rêves fiévreux.

Byron a peut-être répété à ses amis qu’il n’avait pas versé une larme, mais la répétition elle-même est révélatrice. La perte d’Edleston l’a conduit à composer les poèmes de Thyrza. Tout en décrivant son chagrin, ils nous livrent d’autres fragments de l’histoire de leur relation. To Thyrza (1811), par exemple, suggère un départ fâché, un malentendu ou simplement le fait de ne pas avoir su dire au revoir :

Si du moins – un mot, un regard
m’eût dit tendrement : « Je te quitte en t’aimant
mon cœur eût appris à pleurer,
avec de plus faibles sanglots, le coup qui enleva l’âme de ton corps

On suit le processus de deuil de Byron à travers d’autres lettres et poèmes, dont Stanzas (décembre 1811) ou To Thyrza (1812), avec une description d’une gaieté autodestructrice et désespérée, teintée de dégoût de soi, qui donne des clés sur l’état d’esprit de Byron en 1812, l’année de son ascension fulgurante vers la célébrité :

Allons, servez-moi du vin, servez le banquet,
l’homme n’est pas fait pour vivre seul :
je serai cette légère et incompréhensible créature
qui sourit avec tous, et ne pleure avec personne.
Il n’en fut point ainsi dans des jours plus chers à mon cœur,
il n’en aurait jamais été ainsi ;
mais tu m’as quitté, et m’as laissé seul ici-bas :
tu n’es plus rien, tout n’est rien désormais pour moi.

Le chagrin de Byron est palpable – ce, même sans pouvoir distinguer quelle part relève de l’autofiction et de la dramatisation et quelle autre d’une tristesse profondément enfouie, de la perte d’un amour qu’il ne pouvait revendiquer publiquement ou s’il s’agit d’une tentative de dépeindre un sentiment constant qu’il aurait voulu ne jamais éprouver, ou bien qu’il n’avait jamais pu dépasser.

Un chagrin queer, non exprimé, couché sur le papier avec des pronoms et des pseudonymes modifiés. Une révélation et une dissimulation – un chagrin, un amour qui n’ose pas dire son nom).

Les émotions douloureuses étaient mêlées à une véritable gaieté, c’est indéniable. Il écrivait ses poèmes rapidement, transformant des impressions potentiellement fugaces en réalités durables. Et ces moments sont peut-être aussi significatifs et éclairants qu’un récit plus global.

Chaque poème et chaque lettre racontent une histoire légèrement différente, capturent un moment différent et donnent un nouvel aperçu d’une vie queer vécue il y a plus de deux cents ans.

The Conversation

Sam Hirst ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

ref. Communautés LGBTQIA+ : Les lettres de Byron, sources précieuses pour l’histoire – https://theconversation.com/communautes-lgbtqia-les-lettres-de-byron-sources-precieuses-pour-lhistoire-227945

Le plus ancien monastère chrétien du monde bientôt exproprié ? La justice égyptienne relance les tensions au Sinaï

Source: The Conversation – Indonesia – By Mohamed Arbi Nsiri, Docteur en histoire ancienne, Université Paris Nanterre – Université Paris Lumières

Le plus ancien monastère chrétien encore en activité, Sainte-Catherine du Sinaï, est menacé par un projet touristique. Hejna/Wikimedia Commons, CC BY

Le monastère Sainte-Catherine du Sinaï (Égypte) est reconnu comme le plus ancien établissement monastique chrétien encore en activité. Une décision rendue fin mai 2025 par la cour d’appel égyptienne fait planer une menace sans précédent sur son avenir.


Édifié en 548 sur ordre de l’empereur byzantin Justinien Ier, au pied du mont Moïse, à 1 570 mètres d’altitude, le monastère Sainte-Catherine occupe une place singulière dans l’histoire religieuse et culturelle de l’humanité. Niché au cœur d’un massif aride et majestueux, ce lieu sacré – également connu sous le nom de monastère de la Transfiguration – a traversé les siècles sans interruption, abritant une communauté chrétienne fidèle à la tradition orthodoxe orientale.

Il constitue un témoignage unique de la continuité du monachisme tardo-antique, tel qu’il s’est développé dans l’Orient méditerranéen à partir des premiers ermites du désert. Ce sanctuaire millénaire, dont les murailles de pierre enferment une exceptionnelle bibliothèque de manuscrits anciens et une collection inestimable d’icônes byzantines, fut dès l’origine un carrefour spirituel, accueillant pèlerins, savants et voyageurs de toutes confessions.

Une expropriation au profit de l’État égyptien

Relevant canoniquement du patriarcat grec orthodoxe de Jérusalem, cette institution multiséculaire voit aujourd’hui son existence même remise en question. L’arrêt rendu par la cour d’appel égyptienne fin mai 2025 ouvre, en effet, la voie à une possible expropriation de ses terres au profit de l’État, accompagnée de la menace d’expulsion de sa communauté monastique, forte d’une vingtaine de moines, pour la plupart d’origine grecque. Un tel scénario mettrait un terme brutal à une présence spirituelle ininterrompue depuis près de quinze siècles, dans un lieu où la prière, l’hospitalité et la conservation du savoir sacré ont toujours été au cœur de la vocation monastique.

Inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco depuis 2002, le monastère Sainte-Catherine se trouve ainsi confronté à une érosion préoccupante de son autonomie séculaire. Ce processus, s’il devait se poursuivre, risquerait non seulement d’altérer l’équilibre délicat entre tradition religieuse et souveraineté égyptienne, mais aussi d’effacer une part précieuse de la mémoire vivante du christianisme oriental, conservée au prix d’un isolement assumé et d’une fidélité sans faille à l’esprit du désert.

Agenda politico-religieux ou patrimonialisation ?

L’origine de cette crise remonte aux années qui ont suivi la révolution égyptienne de 2011. Sous l’impulsion du gouvernement alors dominé par les Frères musulmans (de juin 2012 à juillet 2013, ndlr), des procédures judiciaires furent engagées afin de contester les droits fonciers du monastère. Ces démarches, révélatrices d’une volonté politique d’affirmer la souveraineté de l’État sur des lieux à forte charge symbolique, ont abouti à la décision récemment rendue, laquelle redéfinit en profondeur les rapports entre la communauté religieuse et les autorités civiles.

Désormais, les moines du monastère Sainte‑Catherine du Sinaï ne sont plus considérés comme propriétaires, mais comme de simples « occupants autorisés », bénéficiant d’un droit d’usage strictement limité à leurs fonctions liturgiques.

Avant la décision juridique de 2025, ils ne disposaient vraisemblablement d’aucun titre de propriété formel : aucune preuve d’enregistrement cadastral ou d’acte notarié ne vient attester d’un droit de propriété légalement établi. Leur présence continue depuis près de mille cinq cents ans constituait toutefois un ancrage patrimonial implicite, reposant sur une forme de légitimité historique, voire coutumière. Le droit égyptien admet, dans certaines circonstances, que l’usage prolongé d’un bien puisse fonder un droit réel d’usage – sans pour autant conférer un droit de pleine propriété ou de disposition. Ce type de tenure, parfois désigné sous le nom de ḥikr, demeure subordonné à la reconnaissance étatique et ne suffit pas, en lui-même, à faire valoir un droit de propriété au sens strict.

La décision de 2025 clarifie ainsi une situation juridique jusque-là ambivalente, en affirmant explicitement la propriété de l’État tout en maintenant un droit d’usage limité pour la communauté monastique.

Un projet touristique

Selon des sources locales bien informées, cette évolution juridique s’inscrit dans le cadre d’un vaste projet de réaménagement territorial lancé en 2020 sous le nom de « Grande Transfiguration ». L’objectif affiché est de faire de la région de Sainte-Catherine une destination touristique de premier plan, centrée sur le tourisme religieux, écologique et thérapeutique.

Dans cette perspective, la présence monastique, avec ses exigences de retrait, de silence et de stabilité, peut apparaître comme un obstacle à la conversion du site en un pôle d’attraction touristique intégré – avec, à terme, le risque que le monastère ne soit progressivement vidé de sa vocation spirituelle et transformé en musée, rattaché aux logiques d’un patrimoine marchandisé.


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Inquiétude des autorités grecques

La situation a suscité une vive inquiétude au sein des autorités grecques. Le premier ministre Kyriakos Mitsotakis est intervenu personnellement auprès du président égyptien Abdel Fattah Al-Sissi pour plaider la cause du monastère et de ses moines, soulignant l’importance de préserver l’intégrité spirituelle, historique et culturelle de ce site inestimable, dont la Grèce se considère coresponsable au regard de ses liens ecclésiologiques et historiques avec la communauté des moines orthodoxes du Sinaï.

En réponse à la controverse croissante, la présidence égyptienne a publié, le 30 mai 2025, un communiqué officiel dans lequel elle réaffirme son attachement au respect du statut sacré du monastère. Ce texte vise à contrecarrer les accusations selon lesquelles le projet de la Grande Transfiguration inclurait une évacuation du site ou une remise en cause de la présence monastique. Les autorités égyptiennes insistent sur le fait que l’initiative concerne exclusivement le développement de la ville environnante, sans atteinte directe au monastère.

Des environs sacrés pour les trois grandes religions monothéistes

La ville de Sainte-Catherine, qui s’étend à proximité immédiate du monastère, possède une résonance spirituelle unique. Elle est traditionnellement identifiée comme le lieu où Moïse reçut les Tables de la Loi, et certains y situent également la Transfiguration divine. De ce fait, elle constitue un espace sacré commun aux trois grandes religions monothéistes – judaïsme, christianisme et islam.

L’église dite du Buisson ardent, ou chapelle du Buisson ardent, se trouve au cœur même du monastère Sainte‑Catherine, dans cette même ville au pied du mont Sinaï. Érigée sur le site traditionnel où Moïse aurait entendu la voix divine émanant d’un buisson en feu sans se consumer, elle est intégrée à l’abside orientale de la grande basilique byzantine, construite sous Justinien au VIe siècle. Selon la tradition, cette chapelle abrite encore le buisson vivant, dont les racines affleureraient sous l’autel. Les visiteurs y accèdent depuis l’église principale, en se déchaussant en signe de respect, rappelant le geste de Moïse ôtant ses sandales sur la terre sacrée.

Bien plus qu’un simple lieu commémoratif, cette chapelle demeure le cœur vivant d’une mémoire partagée entre les trois monothéismes et le centre spirituel de la communauté monastique du Sinaï.

Quels recours ?

Face à la menace qui pèse sur l’intégrité matérielle et spirituelle du monastère Sainte-Catherine du Sinaï, il apparaît opportun d’envisager une médiation internationale sous l’égide de l’Unesco, institution multilatérale investie de la mission de protéger le patrimoine mondial de l’humanité. Le statut du monastère, inscrit depuis 2002 sur la liste du patrimoine mondial en raison de sa valeur universelle exceptionnelle, offre un fondement juridique et symbolique solide pour une telle intervention.

Dans le cadre des instruments juridiques existants – notamment la Convention concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel de 1972 –, l’Unesco est habilitée à envoyer une mission d’experts sur place afin d’évaluer l’impact potentiel du projet dit de la « Grande Transfiguration » sur la préservation des valeurs culturelles, religieuses et historiques du site. Une telle mission pourrait formuler des recommandations contraignantes ou incitatives à l’intention des autorités égyptiennes, en vue de concilier les objectifs de développement local avec le respect des engagements internationaux pris par l’Égypte en matière de sauvegarde patrimoniale.

Par ailleurs, l’Unesco pourrait jouer un rôle de médiateur entre l’État égyptien, la communauté monastique, le patriarcat grec orthodoxe de Jérusalem et les autorités grecques, en facilitant la mise en place d’un protocole d’accord qui garantirait le maintien de la vie monastique, la préservation du patrimoine matériel (manuscrits, icônes, bâtiments…) et la reconnaissance du rôle spirituel et historique du monastère. Une telle initiative contribuerait non seulement à désamorcer les tensions actuelles, mais aussi à renforcer la dimension interculturelle et interreligieuse du site, conformément aux objectifs de l’Unesco en matière de dialogue entre les civilisations.

Enfin, si la situation devait empirer, le Comité du patrimoine mondial pourrait envisager l’inscription du monastère sur la liste du patrimoine mondial en péril, mesure exceptionnelle, qui alerterait la communauté internationale sur la gravité de la situation et mobiliserait les moyens diplomatiques et financiers nécessaires à sa sauvegarde.

Par cette voie, il est encore possible de transformer une crise en opportunité : celle de renouveler l’engagement commun des États, des Églises et des institutions internationales en faveur d’un patrimoine spirituel dont la valeur dépasse les frontières nationales, et dont la sauvegarde concerne l’humanité tout entière.

The Conversation

Mohamed Arbi Nsiri ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

ref. Le plus ancien monastère chrétien du monde bientôt exproprié ? La justice égyptienne relance les tensions au Sinaï – https://theconversation.com/le-plus-ancien-monastere-chretien-du-monde-bientot-exproprie-la-justice-egyptienne-relance-les-tensions-au-sina-258928

Le peintre Hokusai était une icône en France avant d’être reconnu au Japon

Source: The Conversation – Indonesia – By Sophie Basch, Professeur de littérature française, Sorbonne Université

_Le Pavillon Sazai du temple des Cinq Cents Arhats_ (Gohyaku Rakanji Sazaidô), v. 1829-1833, vingt-troisième des _Trente-six vues du mont Fuji_. Hokusai-kan Museum.

Avec l’exposition « La vague Hokusai », le musée d’histoire de Nantes accueille, du 28 juin au 7 septembre 2025, de nombreux chefs-d’œuvre du peintre Katsushika Hokusai (1760-1849), appartenant au musée Hokusai-kan d’Obuse, dans les Alpes japonaises.


Le titre de l’exposition nantaise rend hommage à l’estampe la plus illustre d’Hokusai, celle dont les reproductions et les détournements ont envahi l’espace public jusqu’à saturation : Sous la vague au large de Kanagawa, première des Trente-six vues du mont Fuji, cette « vague comme mythologique » d’un Hokusai « emporté, expéditif, bouffon, populacier », saluée en 1888 par le critique Félix Fénéon.

La reconnaissance européenne

L’icône a été baptisée par un écrivain français, Edmond de Goncourt, dans la monographie qu’il consacra à Hokusai en 1896 :

« Planche, qui devrait s’appeler “la Vague”, et qui en est comme le dessin, un peu divinisé par un peintre, sous la terreur religieuse de la mer redoutable entourant de toute part sa patrie : dessin qui vous donne le coléreux de sa montée dans le ciel, l’azur profond de l’intérieur transparent de sa courbe, le déchirement de sa crête, qui s’éparpille en une pluie de gouttelettes, ayant la forme de griffes d’animaux. »

Hokusai, dont le Japon proclame aujourd’hui le génie, apparaît comme une gloire universelle.

Publicité sur un bus municipal à Onomichi
Publicité sur un bus municipal à Onomichi (située sur le littoral de la mer intérieure de Seto, dans la préfecture d’Hiroshima).
Fabrice van de Kerckhove
Étal de poissonnier à Athènes
Étal de poissonnier à Athènes (Grèce).
Sophie Basch

C’est toutefois en Occident qu’il acquit sa renommée dans la seconde moitié du XIXᵉ siècle, et plus singulièrement en France, berceau du japonisme artistique.

L’avocat des impressionnistes et de l’art japonais, Théodore Duret, pouvait ainsi écrire en 1882 :

« Homme du peuple, au début sorte d’artiste industriel, [Hokusai] a occupé vis-à-vis des artistes, ses contemporains, cultivant “le grand art” de la tradition chinoise, une position inférieure, analogue à celle des Lenain vis-à-vis des Lebrun et des Mignard ou des Daumier et des Gavarni en face des lauréats de l’école de Rome. […] C’est seulement depuis que le jugement des Européens l’a placé en tête des artistes de sa nation que les Japonais ont universellement reconnu en lui un de leurs grands hommes. »


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Déclassé au Japon

Confirmant ce diagnostic, l’éminent orientaliste bostonien Ernest Fenollosa rédigea une préface cinglante au catalogue de la première rétrospective Hokusai organisée en 1900 à Tokyo par l’éditeur et collectionneur Kobayashi Bunshichi :

« Il semblerait étrange que Hokusai, reconnu en Occident depuis quarante ans comme l’un des plus grands maîtres mondiaux du dessin, n’ait jamais été considéré comme digne d’étude dans son pays natal, si nous n’étions conscients du clivage fatal entre aristocrates et plébéiens à l’époque Tokugawa, dont le présent prolonge l’ombre sinistre. […] Des représentants du gouvernement ont jugé cette exposition démoralisante ; quant aux rares collectionneurs clandestins, ils rougiraient, dit-on, de voir leur nom publié parmi les contributeurs. »

Qui aurait alors pu prédire que l’ukiyo-e deviendrait l’instrument privilégié du soft power japonais ?

Le rôle des collectionneurs privés

La spectaculaire exposition récemment dédiée par le Musée national de Tokyo à l’éditeur du XVIIIe siècle Tsutaya Juzaburo, notamment commanditaire d’Utamaro, témoigne du changement de paradigme amorcé au début du XXe siècle. Dans les vitrines, de nombreuses estampes de contemporains de Hokusai, aujourd’hui vénérés mais méprisés dans le Japon de Meiji (1868-1912), portent le sceau du fameux intermédiaire Hayashi Tadamasa, fournisseur, dans le Paris du XIXe siècle, des principaux collectionneurs japonisants : les frères Goncourt, le marchand Siegfried Bing et le bijoutier Henri Vever, dont les plus belles pièces passèrent ensuite dans les collections publiques japonaises par l’entremise du mécène Matsukata Kōjirō. Hokusai doit sa fortune à la clairvoyance de collectionneurs particuliers qui bravaient au Japon, un dogmatisme esthétique et social et, en France, l’académisme institutionnel.

Comme le critique d’art Théodore de Wyzewa écrivait en 1890 des estampes japonaises :

« Les défauts mêmes de leur perspective et de leur modelé nous enchantèrent comme une protestation contre des règles trop longtemps subies. »

Pierre Bonnard et Édouard Vuillard n’attendaient que cet encouragement.

Édouard Vuillard, Le jardin des Tuileries, 1896, musée du Petit Palais
Édouard Vuillard, le Jardin des Tuileries (1896), musée du Petit Palais.
Paris Musées, CC BY
Pierre Bonnard, Promenade des nourrices, frise des fiacres, paravent, 1897
Pierre Bonnard, Promenade des nourrices, frise des fiacres (1897). Paravent constitué d’une suite de quatre feuilles lithographiées en cinq couleurs.
Cleveland Museum of Art., CC BY

Un malentendu persistant

Le clivage persistait lorsque Paul Claudel, alors ambassadeur au Japon, prononça en 1923 une conférence devant des étudiants japonais à Nikkō. Son jugement, qui fait directement écho à celui de Fenollosa, précise les raisons du succès en France de Hokusai, perçu comme un cousin des peintres de la vie moderne :

« Il est frappant de voir combien dans l’appréciation des œuvres que [l’art japonais] a produites, notre goût est resté longtemps loin du vôtre. Notre préférence allait vers les peintres de l’École “Ukiyoyé”, que vous considérez plutôt comme le témoignage d’une époque de décadence, mais pour lesquels vous m’excuserez d’avoir conservé personnellement tout mon ancien enthousiasme : vers une représentation violente, pompeuse, théâtrale, colorée, spirituelle, pittoresque, infiniment diverse et animée du spectacle de tous les jours. C’est l’homme dans son décor familier et ses occupations quotidiennes qui y tient la plus grande place. Votre goût, au contraire, va vers les images anciennes, où l’homme n’est plus représenté que par quelques effigies monastiques qui participent presque de l’immobilité des arbres et des pierres. »

Vincent Van Gogh, Portait du Père Tanguy, 1887, Musée Rodin
Vincent Van Gogh, Portait du père Tanguy (1887). Musée Rodin.
Wikimedia, CC BY

Une fraternité française

Si Hokusai bénéficia dès les années 1820 d’une réception savante en Europe, c’est en effet surtout en France que son œuvre rencontra un accueil fraternel. Le graveur Félix Bracquemond serait tombé dès 1856, chez l’imprimeur Delâtre, sur un petit album à couverture rouge, « un des volumes de la Mangwa, d’Hok’ Saï. »

Félix Bracquemond, Carpe, motif pour le Service Rousseau, 1866.
Félix Bracquemond, Carpe, motif pour le Service Rousseau, 1866.
The Cleveland Museum of Art, CC BY

Claude Monet faisait remonter à la même année une rencontre qui devait tant l’inspirer :

« Ma vraie découverte du Japon, l’achat de mes premières estampes, date de 1856. J’avais seize ans ! Je les dénichai au Havre, dans une boutique comme il y en avait jadis où l’on brocantait les curiosités rapportées par les long-courriers […]. Je les payais vingt sous pièce. Il paraît qu’aujourd’hui certaines se vendraient des milliers de francs. »

Dès la fin des années 1850, Hokusai apparut donc comme un précurseur éloigné qui confortait la conviction des premiers amateurs d’estampes, passionnés d’eaux-fortes, de caricatures et de ces enluminures populaires bientôt vantées par Arthur Rimbaud dans Une saison en enfer.

Hokusai, Un opticien présente des lunettes à un homme à trois yeux, sous le regard d’un homme et d’une femme au cou fantastiquement allongé et fumant la pipe ; un moine jouant du shamisen détourne le regard, La Manga, vol. XII, 1834, collection pa
Hokusai, Un opticien présente des lunettes à un homme à trois yeux, sous le regard d’un homme et d’une femme au cou fantastiquement allongé et fumant la pipe ; un moine jouant du shamisen détourne le regard, La Manga, vol. XII, 1834, collection particulière.
CC BY

Une lettre de Charles Baudelaire, apôtre de la modernité, qui préférait la « magie brutale et énorme » des dioramas, vrais par leur fausseté même, aux représentations réalistes, témoigne en 1862 de cette reconnaissance précoce :

« Il y a longtemps, j’ai reçu un paquet de Japonneries que j’ai partagées entre mes amis et amies. Je vous avais réservées [sic] ces trois-là. […] Elles ne sont pas mauvaises (images d’Épinal du Japon, 2 sols pièce à Yeddo). Je vous assure que, sur du vélin et encadré de bambou ou de baguettes vermillon, c’est d’un grand effet. »

Hokusai l’inspirateur

L’hommage le plus spirituel à Hokusai vint de l’illustrateur Henri Rivière qui, entre 1888 et 1902, grava Les Trente-six vues de la tour Eiffel. Il ne s’agissait pas, comme l’a affirmé Christine Guth, spécialiste américaine de la période Edo, de « mettre en parallèle la sublimité naturelle du mont Fuji et la sublimité technologique de la tour Eiffel » – postulat démenti par l’accent mis sur le Paris des faubourgs et de l’industrie, ainsi que par Rivière lui-même, qui insista explicitement dans ses souvenirs sur l’aspect parodique de son entreprise :

« J’avais composé […] des dessins pour un livre d’images […] qui parut plus tard en lithographie ; c’étaient les “Trente-six vues de la Tour Eiffel”, réminiscence du titre de Hokusai : “Les trente-six vues du Fujiyama”, mais, comme le dit Arsène Alexandre dans la préface qu’il écrivit pour ces vues de Paris : “On a le Fujiyama qu’on peut”. »

Henri Rivière, Les 36 Vues de la tour Eiffel, Du Quai de Passy
Henri Rivière, Les 36 Vues de la tour Eiffel, Du Quai de Passy.
Bibliothèque numérique de l’INHA, CC BY-ND
Henri Rivière, Les 36 Vues de la tour Eiffel, Rue Beethoven
Henri Rivière, Les 36 Vues de la tour Eiffel, Rue Beethoven.
Bibliothèque numérique de l’INHA, CC BY-ND

Comme devait le constater en 1914 le grand historien d’art Henri Focillon, dans la monographie qu’il consacra au maître nippon, ces « artistes qui, ayant trouvé en [Hokusai] un modèle et un exemple, le chérirent, non seulement pour le charme rare et supérieur de sa maîtrise, mais pour l’autorité qu’il conférait à leur propre esthétique ». Hokusai n’influença aucunement les peintres français, comme on le lit trop souvent : il confirmait et encouragea leurs audaces.

The Conversation

Sophie Basch est membre de l’Institut universitaire de France (IUF). Elle a reçu des financements de l’IUF.

ref. Le peintre Hokusai était une icône en France avant d’être reconnu au Japon – https://theconversation.com/le-peintre-hokusai-etait-une-icone-en-france-avant-detre-reconnu-au-japon-258751

From sovereignty to sustainability: a brief history of ocean governance

Source: The Conversation – (in Spanish) – By Kevin Parthenay, Professeur des Universités en science politique, membre de l’Institut Universitaire de France (IUF), Université de Tours

The United Nations Ocean Conference (UNOC 3) will open in Nice, France, on June 9, 2025. It is the third conference of its kind, following events in New York in 2017 and Lisbon in 2022. Co-hosted by France and Costa Rica, the conference will bring together 150 countries and nearly 30,000 individuals to discuss the sustainable management of our planet’s oceans.

This event is presented as a pivotal moment, but it is actually part of a significant shift in marine governance that has been going on for decades. While ocean governance was once designed to protect the marine interests of states, nowadays it must also address the numerous climate and environmental challenges facing the oceans.

Media coverage of this “political moment” however should not overshadow the urgent need to reform the international law applicable to the oceans. Failing that, this summit will risk being nothing more than another platform for vacuous rhetoric.

To understand what is at stake, it is helpful to begin with a brief historical overview of marine governance.

The meaning of ocean governance

Ocean governance changed radically over the past few decades. The focus shifted from the interests of states and the corresponding body of international law, solidified in the 1980s, to a multilateral approach initiated at the end of the Cold War, involving a wide range of actors (international organizations, NGOs, businesses, etc.).

This governance has gradually moved from a system of obligations pertaining to different marine areas and regimes of sovereignty associated to them (territorial seas, exclusive economic zones (EEZs), and the high seas) to a system that takes into consideration the “health of the oceans.” The aim of this new system is to manage the oceans in line with the sustainable development goals.

Understanding how this shift occurred can help us grasp what is at stake in Nice. The 1990s were marked by declarations, summits and other global initiatives. However, as evidenced below, the success of these numerous initiatives has so far been limited. This explains why we are now seeing a return to an approach more firmly rooted in international law, as evidenced by the negotiations on the international treaty on plastic pollution, for example.

The “Constitution of the Seas”

The law of the sea emerged from the Hague Conference in 1930. However, the structure of marine governance gradually came to be defined in the 1980s, with the adoption of the United Nations Convention on the Law of the Sea (UNCLOS) in 1982.

UNOC 3 is a direct offshoot of this convention: discussions on sustainable ocean management stem from the limitations of this founding text, often referred to as the “Constitution of the Seas”.

UNCLOS was adopted in December 1982 at the Montego Bay Convention in Jamaica and came into force in November 1994, following a lengthy process of international negotiations that resulted in 60 states ratifying the text. At the outset, the discussions focused on the interests of developing countries, especially those located along the coast, in the midst of a crisis in multilateralism. The United States managed to exert its influence in this arena without ever officially adopting the Convention. Since then, the convention has been a pillar of marine governance.

It established new institutions, including the International Seabed Authority, entrusted with the responsibility of regulating the exploitation of mineral resources on the seabed in areas that fall outside the scope of national jurisdiction. UNCLOS is the source of nearly all international case law on the subject.

Although the convention did define maritime areas and regulate their exploitation, new challenges quickly emerged: on the one hand, the Convention was essentially rendered meaningless by the eleven-year delay between its adoption and implementation. On the other hand, the text also became obsolete due to new developments in the use of the seas, particularly technological advances in fishing and seabed exploitation.

The early 1990s marked a turning point in the traditional maritime legal order. The management of the seas and oceans came to be viewed within an environmental perspective, a process that was driven by major international conferences and declarations such as the Rio Declaration (1992), the Millennium Declaration (2005), and the Rio+20 Summit (2012). These resulted in the 2030 Agenda and the Sustainable Development Goals (SDGs), the UN’s 17 goals aimed at protecting the planet (with SDG 14, “Life Below Water”, directly addressing issues related to the oceans) and the world’s population by 2030.


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The United Nations Conference on Environment and Development (UNCED, or Earth Summit), held in Rio de Janeiro, Brazil, in 1992, ushered in the era of “sustainable development” and, thanks to scientific discoveries made in the previous decade, helped link environmental and maritime issues.

From 2008 to 2015, environmental issues became more important as evidenced by the regular adoption of environmental and climate resolutions.

A shift in UN language

Biodiversity and the sustainable use of the oceans (SDG 14) are the two core themes that became recurring topics in the international agenda since 2015, with ocean-related issues now including items like acidification, plastic pollution and the decline of marine biodiversity.

The United Nations General Assembly resolution on oceans and the law of the seas (LOS is a particularly useful tool to acknowledge this evolution: drafted annually since 1984, the resolution has covered all aspects of the United Nations maritime regime while reflecting new issues and concerns.

Some environmental terms were initially absent from the text but have become more prevalent since the 2000s.

This evolution is also reflected in the choice of words.

While LOS resolutions from 1984 to 1995 focused mainly on the implementation of the treaty and the economic exploitation of marine resources, more recent resolutions have used terms related to sustainability, ecosystems, and maritime issues.

Toward a new law of the oceans?

As awareness of the issues surrounding the oceans and their link to climate change has grown, the oceans gradually became a global “final frontier” in terms of knowledge.

The types of stakeholders involved in ocean issues have also changed. The expansion of the ocean agenda has been driven by a more “environmentalist” orientation, with scientific communities and environmental NGOs standing at the forefront of this battle. This approach, which represents a shift away from a monopoly held by international law and legal practitioners, clearly is a positive development.

However, marine governance has so far relied mainly on non-binding declaratory measures (such as the SDGs) and remains ineffective. A cycle of legal consolidation toward a “new law of the oceans” therefore appears to be underway and the challenge is now to supplement international maritime law with a new set of measures. These include:

Of these agreements, the BBNJ is arguably the most ambitious: since 2004, negotiators have been working toward filling the gaps of the United Nations Convention on the Law of the Sea (UNCLOS) by creating an instrument on marine biodiversity in areas beyond national jurisdiction.

The agreement addresses two major concerns for states: sovereignty and the equitable distribution of resources.

Adopted in 2023, this historic agreement has yet to enter into force. For this to happen, sixty ratifications are required and to date, only 29 states have ratified the treaty (including France in February 2025, editor’s note).

The BBNJ process is therefore at a crossroads and the priority today is not to make new commitments or waste time on complicated high-level declarations, but to address concrete and urgent issues of ocean management, such as the frantic quest for critical minerals launched in the context of the Sino-American rivalry, and exemplified by Donald Trump’s signing of a presidential decree in April 2025 allowing seabed mining – a decision that violates the International Seabed Authority’s well established rules on the exploitation of these deep-sea resources.

At a time when U.S. unilateralism is leading to a policy of fait accompli, the UNOC 3 should, more than anything and within the framework of multilateralism, consolidate the existing obligations regarding the protection and sustainability of the oceans.

The Conversation

Kevin Parthenay is a member of the Institut Universitaire de France (IUF).

Rafael Mesquita ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

ref. From sovereignty to sustainability: a brief history of ocean governance – https://theconversation.com/from-sovereignty-to-sustainability-a-brief-history-of-ocean-governance-258200

How a postwar German literary classic helped eclipse painter Emil Nolde’s relationship to Nazism

Source: The Conversation – (in Spanish) – By Ombline Damy, Doctorante en Littérature Générale et Comparée, Sciences Po

Emil Nolde, Red Clouds, watercolour on handmade paper, 34.5 x 44.7 cm. Emil Nolde/Museo Nacional Thyssen-Bornemisza, Madrid, CC BY-NC-ND

Paintings by German artist Emil Nolde (1867-1956) were recently on display at the Musée Picasso in Paris as part of an exhibition on what the Nazis classified as “degenerate art”. At first glance, his works fit perfectly, but recent research shows that Nolde’s relationship to Nazism is much more nuanced than the exhibition revealed.

The German Lesson: a postwar literary classic

While Nolde was one of the many victims of the Third Reich’s repressive responses to “degenerate art”, he was also one of Nazism’s great admirers. The immense popularity of The German Lesson (1968) by author Siegfried Lenz, however, greatly contributed to creating the legend of Nolde as a martyr of the Nazi regime.

La Leçon d’allemand, Siegfried Lenz, pavillons Poche

The cover of the French edition, which was on sale in the Musée Picasso bookstore, subtly echoes one of Nolde’s works, Hülltoft Farm, which hung in the exhibition.

Set against the backdrop of Nazi policies on “degenerate art”, the novel is about a conflict between a father and son. It addresses in literary form the central postwar issue of Vergangenheitsbewältigung, a term referring to the individual and collective work of German society on coming to terms with its Nazi past.

The German Lesson was met with huge success upon publication. Since then, it has become a classic of postwar German literature. Over 2 million copies have been sold across the world, and the novel has been translated into more than 20 languages. It is still studied in Germany as part of the national school curriculum. Adding to its popularity, the book was adapted for the screen in 1971 and in 2019. More than 50 years after its publication, The German Lesson continues to shape the way we think about Nazi Germany.

Max Ludwig Nansen, a fictional painter turned martyr

Set in Germany in the 1950s, the novel is told through the eyes of Siggi, a young man incarcerated in a prison for delinquent youths. Asked to pen an essay on the “joys of duty”, he dives into his memories of a childhood in Nazi Germany as the son of a police officer.

He remembers that his father, Jens Ole Jepsen, was given an order to prevent his own childhood friend, Max Ludwig Nansen, from painting. As a sign of protest against the painting ban, Nansen created a secret collection of paintings titled “the invisible pictures”. Because he was young enough to appear innocent, Siggi was used by his father to spy on the painter.

Siggi found himself torn between the two men, who related to duty in radically opposite ways. While Jepsen thought it his duty to follow the orders given to him, Nansen saw art as his only duty. Throughout the novel, Siggi becomes increasingly close to the painter, whom he sees as a hero, all the while distancing himself from his father, who in turn is perceived as a fanatic.

The novel’s point of view, that of a child, demands of its reader that they complete Siggi’s omissions or partial understanding of the world around him with their adult knowledge. This deliberately allusive narrative style enables the author to elude the topic of Nazism – or at least to hint at it in a covert way, thus making the novel acceptable to a wide German audience at the time of its publication in 1968.

Nevertheless, the book leaves little room for doubt on the themes it tackles. While Nazism is never explicitly named, the reader will inevitably recognize the Gestapo (the political police of the regime) when Siggi speaks of the “leather coats” who arrest Nansen. Readers will also identify the ban on painting issued to Nansen as a part of Nazi policies on “degenerate art”. And, what’s more, they will undoubtedly perceive the real person hiding behind the fictional character of Max Ludwig Nansen: Emil Nolde, born Hans Emil Hansen.


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Emil Nolde, a real painter become legend

Much like his fictional counterpart Max Ludwig Nansen, the painter Emil Nolde fell victim to Nazi policies aimed at artists identified as “degenerate”. More than 1,000 of his artworks were confiscated, some of which were integrated into the 1937 travelling exhibition on “degenerate art” orchestrated by the regime. Nolde was banned from the German art academy, and he was forbidden to sell and exhibit his work.

A photograph of Nazi propagandist Joseph Goebbels’ visit to the exhibition titled Entartete Kunst (Degenerate Art) in Munich, 1937. At left, from top, two paintings by Emil Nolde: Christ and the Sinner (1926) and the Wise and the Foolish Virgins (1910), a painting that has disappeared
A photograph of Nazi propagandist Joseph Goebbels’ visit to the exhibition titled Entartete Kunst (Degenerate Art) in Munich, 1937. At left, from top, two paintings by Emil Nolde: Christ and the Sinner (1926) and the Wise and the Foolish Virgins (1910), a painting that has disappeared.
Wikimedia

After the collapse of the Nazi regime, the tide turned for this “degenerate” artist. Postwar German society glorified him as a victim and opponent of Nazi politics, an image which Nolde carefully fostered. In his memoirs, he claimed to have been forbidden to paint by the regime, and to have created a series of “unpainted pictures” in a clandestine act of resistance.

Countless exhibits on Nolde, in Germany and around the world, served to perpetuate the myth of a talented painter, fallen victim to the Nazi regime, who decided to fight back. His works even made it into the hallowed halls of the German chancellery. Helmut Schmidt, chancellor of the Federal Republic of Germany from 1974 to 1982, and Germany’s former chancellor Angela Merkel decorated their offices with his paintings.

The popularity of The German Lesson, inspired by Nolde’s life, further solidified the myth – until the real Nolde and the fictional Nansen became fully inseparable in Germany’s collective imagination.

Twilight of an idol

Yet, the historical figure and the fictional character could not be more different. Research conducted for exhibits on Nolde in Frankfurt in 2014 and in Berlin in 2019 revealed the artist’s true relationship to Nazism to the wider public.

Nolde was indeed forbidden from selling and exhibiting his works by the Nazi regime. But he was not forbidden from painting. The series of “unpainted pictures”, which he claimed to have created in secret, are in fact a collection of works put together after the war.

What’s more, Nolde joined the Nazi Party as early as 1934. To make matters worse, he also hoped to become an official artist of the regime, and he was profoundly antisemitic. He was convinced that his work was the expression of a “German soul” – with all the racist undertones that such an affirmation suggests. He relentlessly tried to convince Goebbels and Hitler that his paintings, unlike those of “the Jews”, were not “degenerate”.

Why, one might ask, did more than 70 years go by before the truth about Nolde came out?

Yes, the myth built by Nolde himself and solidified by The German Lesson served to eclipse historical truth. Yet this seems to be only part of the story. In Nolde’s case, like in many others that involve facing a fraught national past, it looks like fiction was a great deal more attractive than truth.

In Lenz’s book, the painter Nansen claims that “you will only start to see properly […] when you start creating what you need to see”. By seeing in Nolde the fictional character of Nansen, Germans created a myth they needed to overcome a painful past. A hero, who resisted Nazism. Beyond the myth, reality appears to be more complex.

The Conversation

Ombline Damy received funding from la Fondation Nationale des Sciences Politiques (National Foundation of Political Sciences, or FNSP) for her thesis.

ref. How a postwar German literary classic helped eclipse painter Emil Nolde’s relationship to Nazism – https://theconversation.com/how-a-postwar-german-literary-classic-helped-eclipse-painter-emil-noldes-relationship-to-nazism-258310

Defence firms must adopt a ‘flexible secrecy’ to innovate for European rearmament

Source: The Conversation – (in Spanish) – By Sihem BenMahmoud-Jouini, Associate Professor, HEC Paris Business School

In the face of US President Donald Trump’s wavering commitments and Russian President Vladimir Putin’s inscrutable ambitions, the talk in European capitals is all about rearmament.

To that end, the European Commission has put forward an €800 billion spending scheme designed to “quickly and significantly increase expenditures in defence capabilities”, in the words of Commission President Ursula von der Leyen.

But funding is only the first of many challenges involved when pursuing military innovation. Ramping up capabilities “quickly and significantly” will prove difficult for a sector that must keep pace with rapid technological change.

Of course, defence firms don’t have to do it alone: they can select from a wide variety of potential collaborators, ranging from small and medium-sized enterprises (SMEs) to agile start-ups. Innovative partnerships, however, require trust and a willingness to share vital information, qualities that appear incompatible with the need for military secrecy.

That is why rearming Europe requires a new approach to secrecy.

A paper I co-authored with Jonathan Langlois of HEC and Romaric Servajean-Hilst of KEDGE Business School examines the strategies used by one leading defence firm (which we, for our own secrecy-related reasons, renamed “Globaldef”) to balance open innovation with information security. The 43 professionals we interviewed – including R&D managers, start-up CEOs and innovation managers – were not consciously working from a common playbook. However, their nuanced and dynamic approaches could serve as a cohesive role model for Europe’s defence sector as it races to adapt to a changing world.

How flexible secrecy enables innovation

Our research took place between 2018 and 2020. At the time, defence firms looked toward open innovation to compensate for the withdrawal of key support. There was a marked decrease in government spending on military R&D across the OECD countries. However, even though the current situation involves more funding, the need for external innovation remains prevalent to speed up access to knowledge.

When collaborating to innovate, firms face what open innovation scholars have termed “the paradox of openness”, wherein the value to be gained by collaborating must be weighed against the possible costs of information sharing. In the defence sector – unlike, say, in consumer products – being too liberal with information could not only lead to business losses but to grave security risks for entire nations, and even prosecution for the executives involved.

Although secrecy was a constant concern, Globaldef’s managers often found themselves in what one of our interviewees called a “blurred zone” where some material could be interpreted as secret, but sharing it was not strictly off-limits. In cases like these, opting for the standard mode in the defence industry – erring on the side of caution and remaining tight-lipped – would make open innovation impossible.

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Practices that make collaboration work

Studying transcripts of more than 40 interviews along with a rich pool of complementary data (emails, PowerPoint presentations, crowdsourcing activity, etc.), we discerned that players at Globaldef had developed fine-grained practices for maintaining and modulating secrecy, even while actively collaborating with civilian companies.

Our research identifies these practices as either cognitive or relational. Cognitive practices acted as strategic screens, masking the most sensitive aspects of Globaldef’s knowledge without throttling information flow to the point of preventing collaboration.

Depending on the type of project, cognitive practices might consist of one or more of the following:

  • Encryption: relabelling knowledge components to hide their nature and purpose.

  • Obfuscation: selectively blurring project specifics to preserve secrecy while recruiting partners.

  • Simplification: blurring project parameters to test the suitability of a partner without revealing true constraints.

  • Transposition: transferring the context of a problem from a military to a civilian one.

Relational practices involved reframing the partnership itself, by selectively controlling the width of the aperture through which external parties could view Globaldef’s aims and project characteristics. These practices might include redirecting the focus of a collaboration away from core technologies, or introducing confidentiality agreements to expand information-sharing within the partnership while prohibiting communication to third parties.

When to shift strategy in defence projects

Using both cognitive and relational practices enabled Globaldef to skirt the pitfalls of its paradox. For example, in the early stages of open innovation, when the firm was scouting and testing potential partners, managers could widen the aperture (relational) while imposing strict limits on knowledge-sharing (cognitive). They could thereby freely engage with the crowd without violating Globaldef’s internal rules regarding secrecy.

As partnerships ripened and trust grew, Globaldef could gradually lift cognitive protections, giving partners access to more detailed and specific data. This could be counterbalanced by a tightening on the relational side, eg requiring paperwork and protocols designed to plug potential leaks.

As we retraced the firm’s careful steps through six real-life open innovation partnerships, we saw that the key to this approach was in knowing when to transition from one mode to the other. Each project had its own rhythm.

For one crowdsourcing project, the shift from low to high cognitive depth, and high to low relational width, was quite sudden, occurring as soon as the partnership was formalised. This was due to the fact that Globaldef’s partner needed accurate details and project parameters in order to solve the problem in question. Therefore, near-total openness and concomitant confidentiality had to be established at the outset.

In another case, Globaldef retained the cognitive blinders throughout the early phase of a partnership with a start-up. To test the start-up’s technological capacities, the firm presented its partner with a cognitively reframed problem. Only after the partner passed its initial trial was collaboration initiated on a fully transparent footing, driven by the need for the start-up to obtain defence clearance prior to co-developing technology with Globaldef.

How firms can lead with adaptive secrecy

Since we completed and published our research, much has changed geopolitically. But the high-stakes paradox of openness is still a pressing issue inside Europe’s defence firms. Managers and executives are no doubt grappling with the evident necessity for open innovation on the one hand and secrecy on the other.

Our research suggests that, like Globaldef, other actors in Europe’s defence sector can deftly navigate this paradox. Doing so, however, will require employing a more subtle, flexible and dynamic definition of secrecy rather than the absolutist, static one that normally prevails in the industry. The defence sector’s conception of secrecy must also progress from a primarily legal to a largely strategic framework.

The Conversation

Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.

ref. Defence firms must adopt a ‘flexible secrecy’ to innovate for European rearmament – https://theconversation.com/defence-firms-must-adopt-a-flexible-secrecy-to-innovate-for-european-rearmament-258302